Il existe des archives de l'INA de Claude Serre

Ces images datent des années 70, période durant laquelle la télévision faisait appel aux dessinateurs pour certains programmes comme:  » Du Tac au Tac »

Biographie

Claude Serre 1938 – 1998

Né à Sucy-en-Brie Claude Serre est décédé à Caen en 1998.

Outre ses autres albums de cartoons, tous organisés autour d’un thème, ce bourreau de travail a collaboré à de nombreuses publications, illustré des articles scientifiques, gravé, décoré et peint,
fait du vitrail et de la porcelaine, réalisé des couvertures, des affiches, des publicités, des dessins politiques et les menus travaux qui sont ceux du dessinateur actif.
Sa mort prématurée a interrompu un travail qui méritait d’être parcouru, répertorié et analysé.
Rétrospectivement, il était aussi nécessaire, au travers d’un panorama de ses dessins et illustrations, de le faire connaître à un public nouveau. Et, pour ses admirateurs, de rappeler des étapes d’une carrière et de mieux faire connaître sa vie d’artiste.
Et bien sûr, de montrer, dans un panorama éclectique, les images, connues et inconnues, d’un des grands humoristes du XXéme siècle.

1. Premiers éclats : « un illustrateur de presse »

Lorsque Claude Serre débute dans le dessin, il est bien loin du genre qui lui apportera la reconnaissance publique : l’humour.
À l’âge de 15 ans, il participe et gagne un concours organisé par Prince Vaillant. Il griffonne continuellement, réalise des portraits, notamment de son père. Quand il était jeune, il dessinait déjà des vieux !
Petit à petit, il s’adonne à l’illustration, au fantastique. Il réalise des dessins pour les revues Planète, Plexus, 100 de Moyenne… Mais aussi pour des ouvrages sur la Sécurité Routière ou contre la pollution. Nous sommes à la fin des années 60.
Il propose des croquis pour Science & Vie, La Vie Électrique, Le Figaro.
Dans les années 70, rejoignant ses amis, il collabore à Hara-Kiri ou Charlie Hebdo, un peu Pilote. Le dessin d’humour,sa réussite professionnelle, n’est entré que tardivement dans sa vie.

2. ÉCLATS DE RIRE : « un engrenage vertueux »

En 1972, Serre reçoit une commande d’un éditeur de Villard-de-Lans, près de Grenoble. Celui-ci lui demande de
réaliser 50 dessins humoristiques sur le thème de la médecine. Amusé, il a honoré ce contrat et cela a donné la première édition de Humour noir et hommes en
blanc. Une édition très luxueuse, dans un coffret, tirée à seulement 500 exemplaires, un objet de collection.
Néanmoins, ce petit éditeur fait rapidement faillite puis est racheté par Jacques Glénat. À l’époque, ce dernier animait la revue Schtroumf à Grenoble, sa région natale, et débutait dans le domaine de l’édition. En observant le catalogue récemment acheté et tombant sur le travail de mon père, il
eut l’idée de le rééditer en petit bouquin avec une couverture souple, un format à l’italienne. Dès 1973, cet album a très bien
marché à la surprise générale. Pas loin d’une quinzaine d’autres suivront.
On peut dire que Claude Serre et Jacques Glénat se sont fait l’un et l’autre durant cette période, chacun débutant sur
un créneau méconnu. Puis Jacques Glénat s’est énormément développé pour devenir l’éditeur que l’on connaît aujourd’hui.

3. ÉCLATS DE VERRE : « un sculpteur de lumière »

Si l’on connaît bien ses albums d’humour, il a néanmoins énormément travaillé sur d’autres thèmes dans les années 80. Il a illustré les oeuvres de Francis Blanche, de Frédéric Dard, des éditions luxueuses de Tristan & Iseult, les poèmes de  Baudelaire… Des gravures, des sérigraphies… à foison.
Sans cela, il serait peut-être en train de graver des planches de zinc pour l’art « classique ».
Car Serre a eu comme premières amours le
monde du vitrail. Son grand cousin, Jean Gourmelin, lui presente Maurice Max-Ingrand, maître verrier. Celui ci l’engage comme chef d’atelier.
Il a réalisé les vitraux du dôme de la cathédrale de Washington, conçus à Paris puis envoyés et montés sur place. Il a également exécuté les panneaux à Ivry et des églises un peu partout en Bretagne.
En effet, l’État avait commandé à l’atelier de Max-Ingrand des oeuvres pour la plupart des églises qui avaient été détruites ou touchées durant la guerre. Donc, potentiellement, lorsque vous vous
promenez dans certaineséglises bretonnes, vous pouvez observer du Serre ! Trois personnes composaient l’atelier, lui se chargeait, entre autres, des proportions :
accomplir le dessin du vitrail, puis le transposer en dimensions réelles, choisir les coloris.
Ce passage par l’art sacré lui a permis d’acquérir la plupart des techniques classiques. Manière au noir, gravure sur bois, peinture sur verre… C’est pour cela qu’il a adopté un trait hachuré. Il y a fait ses classes, puis il a progressivement arrêté.

4. ÉCLAT TECHNIQUE : « genèse d’une oeuvre »

Pour les albums, il prenait un calepin, en général après les fêtes de fin d’année, et il décidait d’un thème. Il écrivait alors
jusqu’à obtenir plus d’une centaine d’idées, avec des crobars, des esquisses. Il choisissait les idées les plus fortes et il se
mettait au boulot. Il crayonnait sur calques pour garder les proportions et déplacer les personnages au mieux. Il attaquait
au crayon, puis finalisait à la plume et à l’encre de Chine.

À ses débuts, il dessinait sur de grandes feuilles format raisin.
Il utilisait aussi l’aquarelle sur certains dessins. Comme il était classé dans la catégorie du dessinateur qui fait du noir et blanc avec du rouge pour le sang, il a cherché à innover. Il admirait beaucoup Avoine ou Barbe qui étaient capables d’aller très vite à l’essentiel avec un trait simple et de la couleur.

Selon les thèmes qu’il devait aborder, il faisait appel à de la documentation. Pour la chasse, il a acheté des revues pour les positions, les armes. Cela fut le cas aussi pour le sport, car il souhaitait rendre le geste exact, la posture parfaite, le plus proche de la réalité possible. Mais pour tout ce qui concernait la faune et la flore, il s’en remettait à sa mémoire et ses expériences. Il connaissait très bien les oiseaux, la nature, les arbres, les feuilles. Pendant très longtemps, il m’emmena aux champignons.

Du plaisir et du travail mélangés !

5. ÉCLAT DE NOIRCEUR « une plume dans le vitriol »

Lorsqu’on parle de son oeuvre, les mots qui reviennent le plus souvent sont « cynisme », « humour noir », « vitriol ». C’est normal, c’est lié tant au fond qu’à la forme de ses oeuvres connues. Mais on peut rapprocher cela aussi de l’époque.

Les années 70 correspondent à un éclatement, une libération des moeurs.
On pouvait se permettre de dessiner du « trash » il fut l’un des premiers à s’engouffrer dans cette voie, à mettre du sang dans ses planches.
Des dessins plus noirs, tant pour le trait que pour le thème, plus percutants, des voitures qui engouffrent la route, des
accidents automobiles, – hors série 100 de moyenne –. Avec l’apparition des supermarchés et de la grande distribution, on vendait du « trash » en rayonnage !

Derrière ce cynisme, Serre cachait un rire. Il essayait la réflexion par l’absurde en montrant que certaines situations de la vie le sont vraiment. On doit en rigoler. Il rapprochait l’humour noir de la personne qui glisse : on rigole, et seulement après on va voir s’il va bien. Ce n’est pas méchant. Juste un reflex …

6. POST-SCRIPTUM

Lorsque l’on compulse le Dictionnaire des peintres, sculpteurs, dessinateurs et graveurs de E. Benezit (éd. Gründ, 1999), on peut aisément trouver des informations concernant Maurice Max-Ingrand.
On y apprend, entre autres, que ce célèbre maître verrier (1908-1969) collabora à la décoration du Normandie, réalisa les décorations du théâtre du Palais de Chaillot et que l’on peut trouver ses oeuvres partout en France mais aussi à Bucarest, Bombay ou Tokyo. Il fut décoré de la Légion d’honneur et, après-guerre, il prit part aux commissions de restauration et de création de plusieurs cathédrales en France.
Quant à son art, on peut lire qu’il appartenait « au style 1930, caractérisé par une stylisation d’intention moderniste, lointainement issue d’une géométrisation cubisante ».

Mais ce qui est amusant, c’est la notice où apparaît Claude Serre, quelques tomes plus loin :
« Né en 1938 à Sucy-en-Brie (Seine–et-Oise). Dessinateur, graveur. Il vit et travaille à Lésigny. Il a participé en 1992 à
l’exposition : De Bonnard à Baselitz – Dix ans d’enrichissements du cabinet des estampes 1978-1988, à la Bibliothèque
Nationale à Paris. Graveur, il réalise aussi des dessins d’humour.
Musées : Paris (B.N., Cabinet des estampes) : le Printemps 1978 ».
C’est son talent de graveur qui est mis en avant, l’humour étant relégué en anecdote. Il se pourrait donc que, petit à petit, le
dessinateur humoriste laisse sa place à l’illustrateur injustement méconnu !

(INTERVIEW RÉALISÉE PAR EMMANUEL DANEY)
PHOTO n°2 et n°4 de LUDOVIC SERRE

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